Historique
Cette période est caractérisée par l’inexistence presque totale du droit du travail au Togo, et même dans certains pays africains. Cette situation peut, entre autres, s’expliquer par les circonstances économiques, car il n’y avait quasiment pas d’entreprises ou d’unités industrielles propres aux Africains. A cette époque, le travail est servile en Afrique. Une forme d’esclavage moderne subsistait, et la plupart des grands travaux étaient réalisés par le colonisateur, sous la menace des fusils, du bâton et de l’emprisonnement. En réalité, le travail forcé a continué de sévir pendant toute la période coloniale.
Même si l’Organisation internationale du travail (OIT) a réagi contre cette situation, en adoptant la convention n°29 en 1930, on a l’impression que cette législation n’était applicable que dans la métropole et non dans les pays colonisés. Le fait que cette convention autorisait le travail forcé, pour les travaux d’intérêt public, était une brèche qui a été abusivement utilisée par le colonisateur.
Cette convention esquissait tout de même une réglementation sommaire, destinée à protéger les travailleurs requis par la puissance publique coloniale. Jusqu’à la deuxième guerre mondiale, il n’existait pas au Togo et en Afrique en général, un véritable droit du travail. Puisque le travail moderne au sens actuel n’existait pas, il n’y avait pas, par conséquent, le droit syndical. Les revendications étaient interdites. La plupart des rares textes qui existaient avaient pour finalité, l’organisation du recrutement de la main-d’œuvre, pour les besoins d’expansion de l’économie coloniale. Le souci de protection de la main d’œuvre indigène n’était que très accessoire.
Les premiers textes légaux pris par l’autorité coloniale n’ont vu le jour qu’après la première guerre mondiale : le décret 1922 pour le Togo, le Cameroun et l’Afrique Equatoriale Française (AEF), et le décret de 1929 pour l’Afrique Occidentale Française (AOF) et Madagascar. Ces textes avaient pour but d’inciter les travailleurs à conclure des contrats de travail et favoriser les recrutements pour les besoins des industries, qui étaient toutes entre les mains des dominateurs.
En 1937, le syndicalisme est légalisé, les délégués du personnel et les conventions collectives furent introduites en Afrique. Malgré ces progrès, il serait illusoire de parler de l’existence d’un véritable droit du travail. Il est discriminatoire suivant les territoires et suivant les travailleurs, selon qu’il s’agit d’indigènes ou d’Européens.
Ce n’est qu’à la fin de la deuxième guerre mondiale que la situation va sensiblement s’améliorer, avec l’influence de l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de l’OIT. A partir de 1944, l’OIT va adopter une série de conventions et recommandations en faveur des travailleurs des territoires nouvellement indépendants.
Le code du travail de 1952, en supprimant les discriminations et les disparités existantes et en créant un ensemble de règles fondamentales en droit du travail, a marqué et marque encore l’histoire du droit du travail dans ces territoires, qui allaient vers l’indépendance. Ce code s’est inspiré de la législation qui existait dans la métropole et constituait un progrès considérable par rapport à la législation antérieure.
Le code de 1952 était à l’avant-garde du progrès social et de l’évolution des sociétés africaines, et a pris en compte le désir de liberté et d’émancipation des africains. Ce code couvrait géographiquement des territoires variés et dispersés dans le monde entier. C’est pourquoi beaucoup de pays africains francophones, après leur indépendance, s’en sont très largement inspirés, pour leurs propres codes du travail, en lui apportant néanmoins à la fois des adaptations et des améliorations non négligeables, en tenant compte des spécificités propres à chaque Etat.
Le droit du travail togolais a évolué, à l’instar du droit du travail africain, dans les mêmes conditions difficiles. Il n’est devenu effectif qu’avec le code de 1952, qui a créée au niveau du ministère des colonies, une inspection générale du travail et au niveau des territoires sous colonisation, des inspections territoriales du travail et des lois sociales.
Le Togo fut ainsi doté d’une inspection territoriale du travail et des lois sociales basée à Lomé. Le chef de cette inspection, dont les attributions couvrent tout le territoire togolais, rendait compte à l’inspection générale du travail du ministère des colonies. Cette organisation de l’inspection du travail et des lois sociales reste inchangée jusqu’à l’indépendance du Togo en 1960.
Dans les années 1960, qui ont vu entrer les Etats africains dont le Togo, dans le concert des nations libres, grâce à l’indépendance acquis, la législation du travail a fait l’objet de soins attentifs des nouveaux gouvernants. Peu à peu, un code national du travail s’est substitué dans chaque Etat, au CTOM de 1952.
Dès lors, la plupart des Etats francophones d’Afrique, chacun à son rythme, se sont dotés d’un code du travail national à partir de 1960. Ceci ne fut pas automatique, concernant le Togo. Après l’indépendance virtuelle du pays le 27 avril 1958, le Togo a continué à appliquer le code du travail d’outre-mer de 1952 jusqu’en 1974, pour plusieurs raisons, dont notamment :
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Le code de 1952 est le fruit de la Conférence de Brazzaville, dont les travaux devaient déboucher sur l’autonomie et l’indépendance des pays africains. C’est un code consensuel négocié entre les Africains et le colonisateur français. Les dispositions du code de 1952 étant révolutionnaires et sur bien des points, n’ayant rien à envier à celles en vigueur dans la métropole, les nouvelles autorités togolaises n’éprouvaient aucune urgence de le substituer à un autre texte ;
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A l’indépendance, le pays comptait peu de travailleurs salariés togolais, encore moins les entreprises commerciales et industrielles nationales. Celles qui existaient étaient entre les mains des Européens, qui ne pouvaient accepter la remise en cause du code de 1952, où chacun trouvait son compte ;
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Les nouveaux maîtres du Togo avaient d’énormes et de multiples défis à relever, défis en ressources humaines, financières et économiques notamment, dont l’urgence surpassait l’adoption d’un nouveau code du travail.
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Pour ces raisons et bien d’autres encore, le code de 1952 a continué d’être appliqué. Pour préparer la naissance d’un nouveau code, les autorités togolaises ont d’abord adopté l’ordonnance n°38 du 23 août 1968, qui crée une administration du travail avec des missions précises. Le décret n°25 du 14 janvier 1969 fixe son organisation et son fonctionnement. Ces textes ont créé de nouveaux organes qui vont asseoir une administration du travail nationale, en prévision des négociations avec les partenaires sociaux, pour l’adoption d’un nouveau code.
Le code de1952 n’a été abrogé qu’en 1974, avec l’adoption de l’ordonnance N°16 du 8 mai 1974, portant code du travail. Ce nouvel outil juridique va instituer de nouveaux services d’inspections régionales à Lomé, Atakpamé, Sokodé, Kara et Dapaong. La croissance des entreprises dans la région maritime a entraîné, en 1978, la scission de l’inspection régionale maritime en deux zones :
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La première zone est composée de Lomé commune et de Lomé préfecture. Elle est dotée de trois inspections, à savoir : inspections du travail et des lois sociales Lomé Est, Lomé Ouest et Lomé Nord ;
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La deuxième zone est dénommée « Inspection du travail et des lois sociales de la région Maritime ». Le chef-lieu de cette inspection est fixé à Aného. Elle regroupe les préfectures des Lacs, de Yoto, de Zio et de Vo.
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Le code du travail a été complété par la signature, entre les partenaires sociaux, de la convention est déposée au Tribunal du travail de Lomé sous le numéro 64 TTL, le 3 mai 1978 et est entrée en vigueur le lendemain de ce dépôt.
Le code de 1974 n’a pas créé de révolutions, car il a presque repris les dispositions qui existaient dans le code de 1952. Il a également fait siens, textes d’application du code de 1952, en l’absence de nouveaux textes. Le code de 1974 a été abrogé et remplacé parla loi n°2006-010 du 13 décembre 2006, portant code du travail.
L’adoption de ce nouveau code de travail en 2006, constitue une grande avancée, dans le sens de la pacification des relations professionnelles, par la prise en compte des impératifs du développement économique et de l’évolution de la société togolaise. Il a introduit la notion de flexibilité du travail, réduit la rigidité du marché du travail avec le recours aux contrats à durée déterminée durée plus longue, supprimé le monopole du placement de l’Etat, précisé les règles du chômage technique, etc. il reste que son application est encore tributaire, pour une large part, de l’adoption de nouveaux textes d’application. La plupart de ces textes d’application qui existent actuellement sont pris dans des codes du travail de 1952 et de 1974.